11 Janvier 2020
[Efu no Shishinin]
Manga Seinen de Takayuki Yamaguchi (Shugurui)
Edité pour les francophones chez Meian
3 tomes de sortis (8, en cours au Japon)
Thèmes : historique, fantastique, action
Synopsis :
Kakugo est un jeune barbare de la vallée Hagakure. Kaizô et Iori sont deux opposants de Ieyasu Tokugawa, le nouveau commandant suprême. Alors qu'ils fuient sa milice pour se cacher dans la vallée, le village de Kakugo les recueille et leur propose de quoi survivre. La milice finit par les retrouver, ce qui cause la mort de Kakugo. Comme 6 autres personnes, à sa mort, il a la possibilité de revenir sur terre en devenant un ninja Onshin, doté d'une puissance phénoménale. Il devra, avec sa lame, se venger de ceux qui ont porté atteinte à sa vie.
Ces sept guerriers de l'ombre sont les sept lames d'Efu, les Ninjas Onshin !
© YAMAGUCHI Takayuki / Akita Shoten / Meian pour l'édition française
"Les Ninjas d'Efu", c'est un peu comme me donner un ticket pour aller voir un film dans la salle à côté de celui que je voulais visionner. Quand la sortie fut annoncée par Meian, je dois dire que j'attendais plutôt une ré-édition de "Shigurui", alors j'ai un peu boudé.
Mais vu l'auteur derrière, j'étais persuadée d'apprécier également ce titre, son style graphique et son esprit "tordu" m'avaient tout deux fait forte impression à la lecture des premiers volumes de sa série précédente. Premiers, car je n'ai pas eu la chance de pouvoir me procurer la suite, les tomes étant en rupture et vendus sur le net (ou encore pire dans certaines boutiques parisiennes) à des prix dignes d'avoir des pages en or massif.
Me voici donc à découvrir grâce à Meian, une série un peu moins connue venant d'un Mangaka que j'ai adoré. Une histoire de Ninja surfant sur l'aspect historique de l'époque et des capacités légendaires qu'on attribuait à ces assassins, c'est assez courant; voyons maintenant si ce Manga réussit à se démarquer.
les 57 premières pages du tome 1 de Les 7 Ninjas d'Efu.
https://www.meian-editions.fr/lecteur-preview/index.php?ref=2846
Lien de lecture en ligne sur le site de l'éditeur
Effacer à tout prix les traces de l'ancien régime, éliminer ses descendants aussi bien que ses soutiens politiques et vassaux : tel est le devoir de la milice mandatée par Tokugawa !
Nous sommes à la fin d'une lutte de pouvoir et le vainqueur, Tokugawa souhaite effacer toute trace de son prédécesseur Toyotomi, il élimine donc scrupuleusement les potentiels descendants de l'ancien dirigeant et ceux qui leur sont liés. Mais ce dernier avait violé des courtisanes afin de perpétuer sa lignée au delà de la mort qu'il sentait proche, et c’est ainsi qu'une des graines plantées germa pour devenir une jeune femme rebelle opposée au nouveau pouvoir en place, Iori, prête à tout pour destituer ce souverain que beaucoup ne reconnaissent pas étant digne de les diriger.
Dans cette chasse, Tokugawa annihile également les anciens soutiens de Toyotomi et tout les clans qui s'y rattachaient. De ce fait, plusieurs guerriers vont perdu la vie dans des circonstances effroyables, semblables à de la torture, leurs êtres déchirées ont toutefois la chance d'être sauvés par Bouddah et de connaître le repos de l'âme ou bien la possibilité de revenir sur terre en endurant milles souffrances, afin de devenir Onshin : des dieux guerriers vengeurs, capables de traquer et tuer tout ceux qui ont participé à leur mort grâce à des pouvoirs surnaturels et une puissance illimitée. 7 d'entre eux feront le choix d'une vie de sang et de mort afin de se venger au lieu de l'apaisement et du bonheur infini qui leur était promis.
Notre héroïne, Iori, fille de samourai, descendante du clan Sanada, formera un duo avec un jeune homme l'ayant protégée à mort contre la milice, Kakugo, un barbare des montagnes, pour contrer le gouvernement en place et tenter de prendre la tête de Tokugawa. Les voici en marche vers le palais impérial avec quelques "péripéties" en cours de route et bien des poursuivants à leurs trousses.
Débuté en 2015 au Japon, ce Manga avait peu de chance de voir le jour étant donné qu'on l'attendait plutôt chez Panini mais peu d’entre nous auraient acheté cette série si elle était réellement parue chez cet éditeur. Du coup, on est vraiment chanceux, car Meian est une maison de confiance, sérieuse et respectueuse de ses lecteurs. Comptant 8 volumes de parus au japon et 3 pour les francophones, "Les 7 Ninjas d'Efu" s'annonce d'ores et déjà comme un Manga qui marquera son lectorat.
Parlons du titre :
On peut faire une parallèle avec "Shigurui" tant le style de l'auteur est bien défini ici également : historique+gore+combat+surnaturel. Bien sûr, il ne s'agit pas d'un copié collé en mode Ninja, c'est bien plus que ça, chaque histoire est unique et bien différente.
En plus du superbe dessin du Mangaka, nous bénéficions d'un thème qui m'est cher : les contes et légendes du Japon ancien. On découvre donc à travers ces combats acharnés et ultra violents, des bribes de pouvoirs surnaturels attribués aux personnages des dites légendes, par exemple Momotaro, ce garçon arrivé de façon incongrue chez un couple de vieillards paysans sans enfant; doté d'une force surhumaine, il partit vaincre les démons terrorisant les villageois, aidé d'un singe, d'un chien et d'un faisan à qui il donnait en guise de salaire, des Kibi Dango (friandises faites de millet, le riz cultivé servant à cette époque, uniquement à payer les taxes).
Le déroulement du récit y est plutôt bien mené malgré quelques passages où trop de personnages font leur apparition simultanée, mélangeant un peu l'histoire pour la lectrice que je suis. Le rythme semble agréable en dehors de ce défaut.
Concernant les combats, ils se révèlent très barbares, à savoir donc que les scènes de violence ne conviendront pas aux jeunes lecteurs-trices; cependant, ils s'intègrent parfaitement à la trame du scénario centrée sur la vengeance.
A propos des personnages :
Il y en a vraiment beaucoup (trop?), même en dehors des 7 Onshin, on peut voir défiler de nombreux autres protagonistes qui ont eux aussi leur place dans ce récit et leurs rôles à accomplir. En seulement 3 tomes, l'auteur a intégré tant de personnes avec des missions importantes qu'on se sent un peu perdu au milieu de ce flot d'informations. Heureusement, beaucoup meurent, laissant ensuite du temps au développement des survivants.
Un petit mot sur les scènes sexy :
L'aspect érotique y est comme "Shigurui" très poussé et lié de près à la violence, dans les combats, la torture ou le viol et la mort. Comme si pour l'auteur, le sexe était indissociable de la souffrance, ses planches sont empreintes d'un érotisme sombre et gore qu'on verrait plutôt dans d'autres genre de récits. Pourtant, l'esthétique est là, à aucun moment je n'ai trouvé ça laid comme dans "Goblin Slayer" par exemple.
Et l'humour alors ?
L'auteur n'oublie pas d'égayer son histoire de moments drôles et très surprenants à la limite du grotesque, la scène la plus marquante à mes yeux est ce combat où l'un des protagonistes utilise son sexe pour trancher la tête de son ennemi... Oui, on en est là !
Le côté pudique de l’héroïne apporte aussi des scènes qui prêtent à sourire au milieu de ce flot de démons. Sa naïveté et pureté en font la victime idéale de tout Mangaka à l'esprit un peu pervers ! On a l'impression qu' Iori est l’îlot de pureté qui flotte au dessus de cette marrée de vices, d'horreur et d'immondices. Sera t'elle au final, la déesse humaine salvatrice de toutes les âmes torturées de ce récit ?
Pour finir :
Vous l'avez compris, j'ai adoré. Il s'agit d'un manga que je ne recommanderais toutefois pas à tous, son niveau de violence étant très élevé, il faut pour certaines planches avoir le coeur bien accroché. Si cela ne vous effraye pas, ce titre est magique, au delà de mes attentes que ce soit graphiquement ou pour son aspect scénaristique.
Séverine