25 Histoires d'un monde en 4 dimensions

Titre VO: Yojigen Sekai

Manga Seinen One-shot édité chez Kana

Auteur: Leiji Matsumoto (Albator, Emeraldas...)

Thèmes: histoires courtes, insectes, espace

Grand format, tome double 

Synopsis:

Toujours dans un environnement intersidéral, on y retrouve les thèmes chers à l’auteur et qui forment la base de toute son œuvre : la défense de la nature, la lutte pour la vie, l’ouverture aux autres, les failles de l’être humain ! On y retrouve déjà toute la magie et la maestria de ce maître du manga et permet de contempler l’évolution de son travail à travers le temps (et l’espace) !

©Yojigen Sekai 1995 MATSUMOTO Leiji -Shôgakukan / ©Kana (Dargaud-Lombard) 2018

Fraîchement sorti dans la collection Sensei de l'éditeur Kana, cet épais recueil d'histoires courtes de 376 pages fait suite à "24 histoires d'un temps lointain".

Cette compilation d'histoires écrites entre 1968 et 1970, nous dévoile une part du travail de l'auteur dix ans avant Albator, celui là même qui a fait ses débuts, encore plus loin auparavant, en tant qu'assistant d'Osamu Tezuka. On y décèle d'ailleurs quelques habitudes du maître qui ont déteint sur son élève. Malgré cette influence dont il a su s'affranchir avec brio, le trait de Leiji Matsumoto reste reconnaissable entre tous, tant il est typé.

©Yojigen Sekai 1995 MATSUMOTO Leiji -Shôgakukan / ©Kana (Dargaud-Lombard) 2018

La volonté d'exister, le temps,

l'envie de laisser une trace de son passage sur terre...

Mettant à l'honneur les insectes dans beaucoup de récits de cet ouvrage, l'auteur qui ne les a pas choisit par hasard, utilise ses protagonistes pour leur forte envie de vivre malgré le temps relativement court qui leur est accordé. De celui qui cherche à briller de toute ses forces pour ne laisser comme souvenir que la seule qualité qui lui fut accordée: sa beauté; à celle qui cherche à se reproduire avec le mâle le plus fort pour assurer une bonne génétique/pitance à sa descendance; mais aussi, le petit insecte laid, celui qui vit sous terre sans espoir de conquérir le coeur de sa bien aimée, si belle, si lumineuse si différente !

A travers différentes histoires qui tournent autour du temps, des projets que font les protagonistes pour leur vie future, des déceptions de ne pouvoir les réaliser ou de l'espoir d'une autre vie, qui subsiste dans un autre espace-temps, Leiji Matsumoto nous offre sa vision de ce monde depuis la préhistoire jusqu'à la fin des années 60'. Les thèmes récurrents sont bien sûr l'amour mais aussi le mystère de la vie, l'espace et l'avenir. Des morales viennent se greffer dans les courts récits tantôt réalistes, tantôt axés SF. De nombreux passages philosophiques finissent de fixer les axes de réflexion crées autour de ce recueil qui se veut plutôt homogène.

©Yojigen Sekai 1995 MATSUMOTO Leiji -Shôgakukan / ©Kana (Dargaud-Lombard) 2018

Les femmes: belles et cruelles,

le temps: magnifique et éphémère à la fois

La beauté du travail de l'auteur ne réside pas qu'en ses personnages féminins légers, éthérés et gracieux, le plus important de mon point de vue est sa façon de faire travailler notre imagination. Avec une pièce vide et un téléphone, il nous dépeint la souffrance d'un amour perdu, l'attente jusqu'au désespoir; avec un fond noir et quelques étoiles, la sensation de vide et d'errance dans un espace bien "trop illimité"... 

Le mystère émanant des femmes issues de cette oeuvre nous donne un aperçu du respect qu'il leur portait mais aussi de la peur qu'elles lui ont inspiré ! Sources de vie, il dessine ces dernières aussi bien en bourreaux de cœurs qu'en tueuses sans pitié. L'homme est représenté dans ses récits comme en attente de l'amour que voudrait lui accorder une femme, toujours en retrait, jamais dans l'espoir... Peut être en rapport avec une période de sa vie réelle. 

Pour finir:

Je dirais que ce recueil est très touchant et qu'à travers ses idées noires et apocalyptiques, l'auteur a laissé filtrer une lueur alarmante et très réaliste concernant la consommation abusive de nos ressources naturelles. On pourrait aussi bien qualifier de contes philosophiques en manga, ces histoires dramatiques que Leiji Matsumoto maîtrise, au point de nous envoyer ses messages de façon très claire sans jamais choquer avec le contenu.

Un très beau titre en somme qui n'a qu'un seul défaut: son papier beaucoup trop fin qui laisse voir assez souvent au travers les pages précédentes ou suivantes. Cet aspect m'avait aussi dérangée sur "Une femme de Shôwa" alors que sur les petits formats, bizarrement ça m'embête moins...

Séverine Chougny